J'ai vu le jour dans les eaux du Pacifique. D'après mère, cela fut l'un des plus beaux jours de sa vie, en comptant la naissance de ma soeur aînée bien sûr. J'ai toujours aimé.. L'aventure. Cette soif qui nous demande d'aller voir plus loin, de toujours faire plus pour voir ce qui est interdit et pourtant si intriguant. Mais mère, elle, la seule chose qu'elle me répétait était de faire attention. Attention à quoi ? Excellente question. Je n'ai jamais su pourquoi. Peut-être était-ce à cause du monde à la surface ? Et en y repensant, je pense qu'elle avait raison et que j'aurais pu faire plus attention à moi. Ce monde est réellement dangereux, mais quand on est une jeune sirène curieuse et avide de savoir, que voulez vous faire ? Je crois que je ne me suis jamais sentie aussi naïve. J'ai vu ma soeur, Isielle, disparaître lorsqu'elle avait quinze ans. J'en avais tout juste dix, et malgré tout je crois que c'est l'une de choses qui m'a le plus marqué. Alors, depuis, il a fallut réapprendre à vivre, avec un manque pas possible au fond de soi, avec une mère protectrice et constamment malheureuse. Même une méduse aurait été de meilleure compagnie qu'elle ! Pour vous dire. Lorsque nous avons perdu Isielle, j'ai eu la chance de connaître Sohan. Malgré ce que les autres sirènes et tritons peuvent penser, je le considère comme un frère. En fait, c'est à la fois un meilleur ami et le frère que père et mère ne m'ont jamais offert. Il est tellement gentil. Vraiment. Je crois qu'il est la seule personne sur qui je ne me suis jamais énervée, en fait je crois que nos disputes se comptent sur les doigts d'une main !
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Aujourd'hui, quinze juin, c'est le grand jour. J'ai vingt-deux ans. J'en profite, pour une fois, mes parents me laissent un peu de répit, je suis même libre de vadrouiller à ma guise dans l'océan. Tout en n'exagérant pas non plus. Bon, je l'avoue, c'est moi-même qui ait pris cette initiative. Mère ne me réprimandera pas pour ça, après tout : c'est mon anniversaire. Et je me considère d'ailleurs comme libre. Je ne veux pas être comme toutes ces sirènes, qui restent avec leurs parents jusqu'à trouver un triton qui leur plaira et avec qui elles formeront une famille remplie de mini crevettes qui ne cesseront de jacasser et s'égosiller. C'est tellement désagréable ! Je sais que nous sommes tous passés par ici mais je ne supporte pas les jeunes sirènes ou tritons. M'enfin, tout en secouant la tête pour sortir toutes ces sordides pensées de ma tête, je passais une main nerveuse dans ma chevelure rousse, tout en cherchant Sohan du regard. Je lui avais pourtant dis que l'on se rejoindrait à cet endroit précis, près du corail. Les tritons, alors ! Jamais à l'heure. C'est révoltant. Je pousse un soupir, m'installant calmement aux abords d'une épave d'un engin humain. Mère appelait cela des navires. A ma connaissance, il me semble que ce sont ces horribles choses dégoûtantes que les humains font flotter dans l'océan afin de naviguer dans le monde. Quelle stupidité. Vous ne voulez pas inventer une idiotie pour aspirer et nettoyer le fin fond de l'océan, non ? Dommage. Avec leurs gamineries, c'est bien sale, ici. Même une pieuvre a les tentacules plus entretenues ! Ah tiens, voilà mon cher, très cher, Sohan. S'il savait la réprimande qui risque d'arriver, je crois qu'il ne serait pas.. Pourquoi est-il aussi étrange ? Je ne comprends pas. Rapidement, je nage vers lui, l'air inquiète. –
T'en tires une drôle de face ! Qu'est-ce qu'il y a ? Levant les yeux vers le dessus, je fronçais les sourcils, intriguée. C'est quoi leur truc ? Et voilà que ma naïveté intervenait, et que je l'ignorais. Nageant vivement, je remonte jusque la surface pour satisfaire ma curiosité. –
C'est quoi cette chose ? Y'a un humain.. Deux. Trois. Quatre. Je crois que je vais redescendre, hein, vous m'excusez j'ai d'autres plans en tête. Prenant littéralement ma queue à mon cou, je tente de retourner au fond, le plus vite que je le peux. –
Faut bouger. dis-je, en arrivant au niveau de Sohan. C'est quoi ce truc autour ? C'est pas un de leurs trucs pour pêcher là ? LES FILS DE POULPES JE N'Y CROIS PAS. NON MAIS JE NE SUIS PAS D'ACCORD. Rageusement, je me jette contre le filet pour essayer d'y faire un trou : résultat ? Raté. J'ai beau frapper, essayer d'écarter les mailles du filet. Impossible. Non mais je n'veux pas finir en sardine en boîte, s'il vous plait. Ah ils tirent. Ok. So', heureuse de t'avoir connu. On va tous mouriiiiiiiir !
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Laisse la. J'arrive vers le duo. C'est fou comme les sirènes et tritons deviennent inciviles lorsqu'ils sont enfermés dans ce foutu bocal à poissons. Foutu dôme. Le triton me regarde d'un air agacé. –
Quoi ? Je le fusille du regard. –
Je t'ai dis de la laisser. Bouge tes écailles. fis-je sur un air froid. Il hausse un sourcil. Il obtempère. C'est bien. Merci beaucoup beaucoup. Je regarde ensuite la blonde. Shelley. Nouvelle dans le dôme et aussi naïve que moi-même je l'ai été. –
Fais pas attention à eux. Ils ont bouffés un requin au p'tit déj'. Je lui souris d'un air rassurant. –
Mais, fais quand même attention à là où tu mets tes écailles. Y'en a qui n'hésiteront pas à te démoraliser, ou venir chercher des conneries pour pouvoir se défouler sur quelqu'un. La pauvre. Elle doit être encore plus flippée, maintenant. Il fallait bien qu'elle le sache ! Bien qu'à partir de ce jour, c'était décidé. Je l'aiderai à se faire à la vie, dans le dôme. Il fallait bien qu'elle s'y fasse, non ? Et puis bon. Il a aussi de bons points, ce bocal à poissons. J'ai retrouvé ma soeur. Isielle était là, depuis tout ce temps. Et maintenant, je ne la laisserai plus partir. C'est décidé. N'empêche que.. Je veux sortir de là !