Certains pourront me traiter de fou ; la naissance de mon premier enfant me rappela ce sentiment eut lors de ma première rencontre avec une sirène. Qui avait pensé un jour que ces êtres mythiques existaient réellement ? Mon frère, pour sûr. En fait, nous étions toute une famille de fous. Excitation, joie, amour, nervosité, et surtout l’impression que le temps s’arrête. Les deux situations avaient provoqué en moi un tumulte de sentiments incroyables qui allaient dicter mon avenir. Ce jour-là, je suis devenu père d’une petite fille que nous avons nommé Orphée. Traits fins et élégants de sa mère, frimousse de son père. Une magnifique petite brune qui me combla de bonheur.
Ce qu’il faut replacer est mon mariage avec Angélique, la mère d’Orphée. Nous nous sommes rencontrés au lycée, il y a de nombreuses années de cela. Amis, amants, coup de foudre émotionnel, nous nous sommes mariés à peine diplômés. Une grande passion qui dura, dura, et nous offrit notre premier enfant il y a douze ans. J’avais tout juste vingt ans lorsqu’Orphée vint au monde. Et quatre années plus tard, notre fils nous bénit d’un nouveau bonheur nommé Elijah. Je suis donc père de deux magnifiques enfants à ce jour. C’est la première information importante à mon sujet…
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2011
J’attrapai ma veste dans un rapide mouvement, tout en tentant de ne pas faire basculer ma valise. Sur le pas de la porte, je regardai Angélique me foutre dehors. Oui, j’étais jeté hors de chez moi, et mon mariage prenait de toute évidence fin. Déconfit et incapable de lutter, je me rendis compte en cet instant que les choses ne se passeraient plus comme je les avais imaginées désormais. Ravalant mon orgueil, j’affichai un sourire rassurant à Orphée et Elijah qui apparurent au bout du couloir, sans comprendre la situation. Je leur adressai un geste de la main et tournai le dos, direction le parc. Les années de bonheur défilaient dans ma tête, et je tentai de voir notre couple du côté de celle avec qui j’avais tout partagé. A dire vrai, ce qui venait de se produire n’était pas une réelle surprise, et je pouvais comprendre sa décision. Mes erreurs pourtant nécessaires repassaient inlassablement dans mon esprit lorsque j’arrivais à Seastar Island. Nul besoin de réfléchir, je me dirigeai vers le bungalow qu’occupait mon frère depuis de nombreuses années déjà. Je frappai simplement, sachant pertinemment qu’en soirée, il prenait tout de même le temps de manger chez lui. Il m’ouvrit en robe de chambre, un thé à la main. Ah, elle était belle la famille. Je ne soutins son regard interrogateur que quelques secondes. «
Elle m’a foutue dehors. C’est terminé… » Je le vis soupirer, puis il me laissa la place pour entrer. Je déposai ma valise dans le hall et le suivis dans la cuisine. Il me demanda le pourquoi du comment quand je me laissai tomber sur une chaise. Je cherchai mes mots, sans vraiment savoir quoi dire. Je finis par lever les avant-bras et les laisser retomber sur mes genoux, fataliste. «
Elle me pense incapable de gérer une famille. Que je peux pas éduquer les enfants. Evidemment elle me reproche, comme elle l’a déjà fait, mon temps passé ici. Le fait que j’puisse pas arrêter le boulot pour me consacrer à eux… Elle pense même que je l’ai trompée. » Je laissai un rire nerveux m’échapper. Je commençai à prendre conscience de la situation. S’en suivit un long soupir. «
… Et si elle ne veut pas me laisser revoir les enfants ? »
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La deuxième information importante à mon sujet est donc le divorce auquel j’ai dû faire face il y a maintenant deux ans. Je me suis installé définitivement dans le bungalow que j’occupais les fois où j'étais resté des journées durant dans le dôme, aidant mon frère et faisant mon travail. Travail que je ne considère pas réellement comme tel, d’ailleurs. Malheureusement dans tout ça, Angélique a obtenu la garde d’Orphée et Elijah. Ne me jugeant pas bon pour leur éducation, leur croissance et leur sécurité. Elle ne pouvait cependant pas les rendre tristes d’être complètement coupés de moi, alors quelques petites fois par mois, elle consentait à les amener au parc où ils passaient la journée avec moi et en apprenaient plus sur mon travail. Ils ont toujours adoré le monde marin et Orphée était tout particulièrement heureuse de passer du temps avec les sirènes. Saheena par ailleurs, avec qui je passais moi-même une très grande partie de mon temps. La chouchoute de mon frère, une magnifique sirène brune que je connaissais depuis un bon bout de temps et de qui je me sentais très proche. Ce que j’essayais de dire ici était le fait que je comptais bien me battre pour avoir la garde partagée de mes enfants… quel père ne ferait pas cela ? Je les aimais plus que tout, je ne pouvais me passer d’eux comme ils ne pouvaient se passer de moi. Angélique était devenue paranoïaque. Rien que je faisais ne pouvait les mettre en danger et surtout, ils étaient bien plus heureux dans ce monde que dans celui de leur mère.
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2013
Je remontai sur la plage suivi de près par Nelle qui avait accepté de passer un peu de temps à l’air libre. Nous étions déjà en soirée et le parc allait fermer, ce qui laissait à la plage beaucoup d’espace. En temps normal elle n’était pas énormément fréquentée de par son coût (pour les visiteurs) mais lorsque ceux-ci ne pouvaient plus y traîner, c’était encore mieux. Arrivé sur le sable fin, je me posai non loin des allers et venues des petites vagues qui s’échouaient. Nelle me suivi jusque-là ne traînant sa nageoire et la posa à mon niveau. Le soleil descendait au loin et nous offrait encore beaucoup de chaleur, mais ces moments de plongée m’apaisaient. Je retirai masque, tube d’oxygène, bouteilles et palmes. Je regardai Nelle avec un sourire ; si nous avions tous appris le langage des signes pour communiquer avec les sirènes sous l’eau, il était tout de même plus agréable de communiquer de vive voix, même si ça n’était pas très longtemps par jour. «
Comment vont-ils ? » Je passai une main dans ma tignasse pour ne pas avoir des cheveux dégoulinants dans la figure. «
Bien, même s’ils sont toujours inquiets. J’essaie de les rassurer grâce à Elros mais c’est naturel qu’ils s’en fassent… » Je réprimai un soupir. Il était toujours délicat de parler famille avec Néliena. Elle m’avait indiqué comment appeler son frère sur une des plages de la ville, dans un coin reclus. Depuis lors j’allais régulièrement lui donner des nouvelles de la princesse. Si je ne pouvais la libérer, je savais néanmoins prendre soin d’elle et assurer sa santé. J’étais incroyablement chanceux de partager l’aventure « sirènes » avec mon frère, et aussi magique cela pouvait paraître, il m’était impossible d’en être totalement heureux. Après tout, nous les arrachions à leur milieu naturel… Je me secouai la tête. «
Et le procès, ça avance ? » Ah oui, il y avait ça aussi. «
Angélique peut rien contre moi. Les enfants vont très bien quand ils sont avec moi, ils aiment ce que je fais, ils sont heureux et elle ne peut pas leur enlever ça. Je me bats, mais je suis de plus en plus optimiste. » Un sourire sincère vint se faire sa place cette fois. Je plongeai mon regard dans celui de Nelle. Si j’étais proche de Saheena, elle était la seule qui arrivait à me donner la foi. Elle avait cette sincérité qui m’avait frappé dès son arrivée. Sa détresse me toucha, je la rassurai et elle put s’habituer à sa vie dans le dôme. Une rouquine à la nageoire de feu, voilà à quoi elle ressemblait. Elle avait tout juste vingt-cinq années mais j'avais cette impression que nous étions faits pour nous connaître, nous comprendre. Je replaçai une mèche de cheveux derrière son oreille gauche, puis tournai furtivement la tête pour m’assurer que je ne passais pas pour un demeuré au bord de l’eau, avant de me redresser quelque peu. Ce n’était pas bien, et pourtant je ne pouvais m’empêcher d’y penser. Même Angélique ne m’avait jamais fait ressentir ce que Néliena éveillait en moi.